vendredi 29 février 2008

LA TERRE, CENTRE DU MONDE


VOIR VIDEO : création Marina Abramovic

"La merveille, c'est, au fond, que le ciel se penche vers nous, nous parle et nous enveloppe, comme, pour les taoistes, l'homme a les deux pieds sur la terre qui le porte et se sent entouré de la voûte céleste comme d'un vaste manteau protecteur.

Vous avez remarqué qu'après une période de légitime exaltation, il n'est plus guère question de voyages dans la lune. Les explorations planétaires ont eu pour premier résultat de mettre en évidence la nature unique et merveilleuse du monde terrestre. On a même entendu un cosmonaute lancer à l'intention de ceux qui étaient restés en bas : " Terre, oasis dans le désert de l'espace !". Ce contemporain qui a payé de sa personne pour voir et apprendre, accomplit à sa manière une petite révolution qui prend le contrepied de celle de Copernic. Il nous ramène au géocentrisme, à la terre centre du monde.

C'est également ce à quoi nous conduit l'alchimie en nous invitant à cultiver notre terre et à y changer les astres en fleurs. Je vous propose_en toute conscience_ de retrouver vitalement la situation de l'homme primitif, qui est finalement la nôtre, puisque nous avons beau savoir que la terre tourne, nous continuons à parler du lever et du coucher du soleil.
Cette vision anthropocentrique, authropomorphique est naturelle car, de toute façon, le centre est en moi. C'est à partir d'ici que je puis apprécier les mouvements et les distances. Si je ne me fixe pas, je m'ôte toute chance de m'approfondir suffisamment pour atteindre en moi ce qui est transpersonnel, ce qui est à la fois tout au loin, tout dedans et tout dehors, et qui fait de moi l'axe du monde .

Et je vous laisserai en conclusion une parole alchimique célèbre : " Visite l'intérieur de la terre. En rectifiant, tu trouveras la pierre cachée." Cette pierre est la stabilité centrale, la pierre spirituelle des alchimistes, le dieu en nous...."

Etienne Perrot
Extrait du cahier 16, 1981

mardi 26 février 2008

LE YI KING


"J.C(Jacques Chancel). On pourrait dire pour résumer, que c'est le livre de la sagesse chinoise.
P.B.F.(Patrice Blanc-Francard) Ce n'est pas un livre de sagesse, le Yi King, c'est un livre de la vie.
EP.(Etienne Perrot) C'est un livre de sagesse pratique. C'est le livre dans lequel les secrets les plus élevés, les plus voilés, sont traduits dans les termes de la vie la plus ordinaire :"Il faut traverser les grandes eaux", "Il est avantageux de voir le grand homme, "Sortir de chez soi apporte la fortune", etc...et on voit que tout l'enseignement des "maîtres" se trouve là, dans ces conseils terre à terre. C'est le propre de la mentalité chinoise. Voyez les peintures chinoises, il n'y a pas de Dieu, pas de mythologie, il y a la vie, il y a le fleuve, la montagne, la petite maison. C'est cela le charme du Yi King: C'est un livre extrèmement humain, c'est le livre qui exprime le secret divin du monde des hommes.
J.C.(Jacques Chancel) Mais en lisant ce livre, des esprits "faibles" pourraient démissionner, croyant entendre une réponse.
E.P.(Etienne Perrot) Naturellement, mais, vous savez, le meilleur et le pire sont toujours rassemblés, ce sont les langues d'Esope. Mais ce qu'a dit tout à l'heure P.B.F.m'amène à une réflexion, il a parlé de boudhisme et de méditation boudhique. Le zen est l'illumination par l'éclosion de l'imprévu. On place l'être dans une situation totalement imprévue, ce qui l'oblige à voir un sens qui n'apparaissait pas à première vue. Il m'est évident que cette éclosion de l'imprévu a pour véhicule privilégié aujourd'hui, le rêve. Les rêves, ce sont des énigmes zen, et le Yi King vous place devant une situation qui vous déroute. Il arrive que le Yi King vous dise le contraire de ce que vous attendez et votre premier mouvement est de le rejeter..."

Extrait cahier 24, 1983

samedi 23 février 2008

CELUI QUI EST VIVANT



VOIR VIDEO : Rostropovitch, "Prélude" BACH


"Il est difficile, après un siècle et demi de critique biblique, de perdre de vue la faiblesse des documents historiques attestant la résurrection du Christ. Et pourtant les textes évangéliques nous atteignent jusqu'au plus profond de l'âme. Je défie un être doté d'une certaine sensibilité de lire sans être bouleversé, dans l'évangile de Jean, l'apparition du Christ réssuscité à Marie-Madeleine au jardin ou, dans saint Luc, l'histoire des pélerins d'Emmaus où Renan voyait un des plus beaux récits de l'humanité et qui a inspiré à Rembrandt un tableau célèbre, gloire de notre Louvre.

C'est que la passion et la résurrection ont un écho profond en nous. Ce sont des symboles, c'est à dire des réalités intérieures chargées d'émotion et de force transformante, qui font partie de l'héritage de chacun et qui n'attendent que l'occasion pour s'éveiller et excercer sur nos vies leur influence bienfaisante.

Il sera permis à quelqu'un qui explore depuis plus de qurante ans ce domaine et qui vérifie aujourd'hui la fécondité de poser en termes nouveaux le problème de résurrection. L'apôtre Paul s'écriait:" Si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine." Pour ma part, je dirai, assuré de me faire en cela porte-parole de beaucoup:"Que le Christ soit ressuscité physiquement et la manière dont cela a pu se passer, cela m'importe peu. L'essentiel est de ressusciter moi-même."

Nous sommes à l'heure où les techniques parviennent à leur point extrême de développement et mettent en danger la survie de l'humanité et l'existence de notre terre. On voit en contrepartie se développer une puissante aspiration à la vie intérieure, à la libération, comme l'atteste, entre autres choses, l'essor des philosophies orientales, fondées sur l'essence divine de lêtre humain et les moyens de la faire éclore.

La figure du Christ ressuscité et son rayonnement nous fascinent. Sans doute les églises nous déclarent qu'en croyant en lui-et en elles- nous serons rachetés, libérés, et nous aurons part à son immortalité. Mais leur langage a de moins en moins d'écho et le spectacle qu'elles offrent au-delà de leurs paroles, rappelle les phases cruelles de Nietzsche :"Il faudrait qu'ils me chantent des chants meilleurs pour me faire croire à leur sauveur. Il faudrait que les disciples aient l'air plus sauvé."

Le paradoxe est le suivant: l'aspiration à la libération et à la résurrection s'intensifie et , en même temps , les institutions qui s'en réclament tombent en poussière.
Nous sommes ainsi conduits à plonger dans l'âme humaine et à nous mettre à l'écoute des voix qui nous la révèlent. ces voix, ce sont avant tout celles du rêve. Carl gustav Jung, menant à son terme l'aventure de Freud, a vérifié qu'il y a dans le rêve une pédagogie qui tend à restaurer dans toute sa plénitude le mystère sacré de l'homme. C'est lui qui déclarait à l'un de ses derniers visiteurs:" Je crois que je suis venu rappeler aux chrétiens ce que sont le rédempteur et la résurrection. Personne n'a plus l'air de le savoir, mais cela apparait dans les rêves."

Ce que nous voyons, après lui, chez des êtres de plus en plus nombreux, c'est qu'il n'y a pas , d'un côté, le monde de la nature et de l'autre le surnaturel. Il y a une vie de l'âme qui est sacrée et qui demande à se faire jour.

Ce qu'on appelle inconscient, c'est cette vie profonde, qui nous libère de nos contradictions et de nos limites, et que l'on peut appeler divine.

On nous appris que Dieu_ ou le Christ était la vie. Nous vérifions , quand à nous que la vie est Dieu. Et cela nous est confirmé par l'enseignement des rêves. Il nous apprend qu'en nous mettant à cette école, nous devenons les canaux d'un courant d'énergie, de conscience et d'amour qui vient de plus loin que nous et survivra à notre individuation limitée. Si nous l'épousons, nous sommes dès maintenant dans la résurrection et l'immortalité. Nous n'avons pas à chercher parmi les morts celui qui est vivant _en nous."

Etienne Perrot
extrait du cahier 22, 1983

mercredi 20 février 2008

LA MISE A NU

photo: Rineke Dijkstra ( extrait de Women artists, ed:Taschen)

VOIR VIDEO : création Pipilotti-rist

"Q. Pouvez-vous expliquer le sens de la nudité dans les rêves ?

E.P.Les alchimistes disaient que cette voie, c'est une voie de nature. Les anciens disaient aussi qu'un des buts de l'oeuvre intérieure, c'est la restauration de l'état édénique. Nous avons vu tout à l'heure un rêve montrer la clé du paradis. Qu'est-ce que c'est l'état édénique ? C'est l'état où l'homme et la femme, nos premiers parents, symbole des hommes et des femmes que nous sommes, vivent en harmonie avec eux-même et avec l'univers et sans avoir besoin de se voiler aux autres et à eux-même par des vêtements.

Ce que nous pratiquons, effectivement, c'est la nudité rituelle, et quelqu'un qui commence à interpréter les rêves me disaient l'autre jour à la fois son émerveillement et son effroi de voir qu'un rêve livre la nudité de son interlocuteur. je peux vous raconter une anecdote. J'ai rencontré voici quelques temps, dans un contexte mondain, une femme qui, dans son métier, est constamment en représentation: elle doit offrir au public une image impeccable, elle a , si vous voulez un physique de cover-girl . Elle m'a tout de suite parlé de ses rêves, ou plutôt de son rêve: "J'ai un rêve qui vient tout le temps: je suis toute nue place de la concorde !" Vous comprenez qu'après cela je ne pouvais pas être intimidé par elle.

C'est vraiment effrayant de voir la nudité dans laquelle l'échange des rêves nous place. Et cette nudité en effraie certains. Et nous effrayons aussi, vous voyez, parce que nous refusons les masques, nous refusons de jouer aux personnages pontifiants. Si des êtres ont peur de leur propre nudité, ils ont peur aussi de la liberté que nous leur montrons. L'île du Levant, c'est l'île des nudistes, et c'est à la fois l'île du soleil levant, symboliquement et l'île de la nudité qui représente la bonne harmonie, le rayonnement simple d'un être qui se sent pur et qui n'a rien à cacher".

Etienne Perrot
extrait cahier 21, 1983

mardi 19 février 2008

LE REVE ET LA REALITE


VOIR VIDEO : Manga" We are origin"

" Q: A propos des rêves, vous disiez tout à l'heure que l'enseignement essentiel de la vie nous est donné par les rêves, mais il y a d'autres formes d'enseignement pour la vie, comme l'expérience de la communion avec la nature. Est-ce qu'il n'y a pas un danger à rester à l'interprétation analytique et rationnelle du rêve ? N'y a -t'il pas une prise plus immédiate dans la vie.?


E.P: Le rêve , je l'ai appris tardivement et je vous transmets ce que j'ai appris, apparaît aujourd'hui comme une forme privilégiée de l'enseignement intérieur. Nous avons reçu des livres sacrés, nous avons reçu des propositions, des offres de maîtres qui promettent la libération, la sublimation, que sais-je? Je voudrais mettre l'accent là-dessus: il nous montré que le rêve aujourd'hui est pour nous , collectivité occidentale , collectivité française, l'organe privilégié du maître intérieur. Je vous parle d'expérience et je l'ai appris, je vous l'avoue, avec difficulté et non sans résistance. Je l'ai appris par l'éducation que l'on recevait dans ma génération, et je ne pense pas qu'elle a beaucoup changé depuis:"Le rêve , c'est l'évasion".

Le rêve et la réalité: l'on oppose l'un et l'autre. Mais j'ai appris ensuite et de source sûre que le rêve est l'élément fécondant, illuminateur de la réalité. C'est le moyen dont le surréel devient réel, dont le surnaturel peut être intégré dans la vie. Quand on parle du rêve, on parle de ce qui monte de la profondeur. ce qui monte de la profondeur peut également me saisir, comme vous le disiez, dans un moment d'intense communion avec la nature, ou d'intense communion avec une personne ou d'opposition intense, également, avec une personne. Tout cela doit être considéré à un niveau qui fait de nous les agents, le théâtre de l'expérience et, en même temps, les observateurs de cette expérience, de manière que nous vivions l'expérience pleinement, mais qu'une partie de nous soit là pour ne pas se laisser déborder par l'expérience et pour en extraire le suc. Mais la forme normale, si j'ose dire de cet enseignement vital, de ces montées, de ces poussées de la profondeur, aujourd'hui, c'est le rêve.

Dans le rêve viennent toutes les grandes choses que l'on nous apprend, ou qu'on prétendait nous apprendre dans les enseignements dits philosophiques , religieux, ou mystiques. Cela je vous l'atteste. J'en ai fait une expérience bouleversante, voici trois ans, lorsque j'ai été amené par un concours de circonstances assez extraordinaires, à me mettre à l'écoute des auditeurs de Fance-Inter( radio). Je disais , en plaisantant, à mes amis que " j'avais pris en charge l'âme de France". Nous avons vu monter, de la profondeur de gens qui ignoraient tout de ce domaine, mais qui avaient été habitués à s'y pencher par les émissions d'Henri Gougaud et son incantation de conteur, nous avons vu monter des choses absolument extraordinaires qui ont été rassemblées dans le livre Les rêves et la vie. Nous avons consigné là une sorte de somme d'enseignement portant sur la mort, la vie, l'amour et la libération, que sais-je ?..."

Etienne Perrot
extrait du cahier 18, 1982

dimanche 10 février 2008

LE DOMAINE NUCLEAIRE


VOIR VIDEO : Mai 1968

"Q: Qu'est-ce qui vous a amené à parler du nucléaire ? Est-ce uniquement pour être à la mode ?
E.P._ A la mode, non; dans le vent , oui ! Depuis longtemps, je sais que Jung est le docteur de l'ère atomique. J'en ai déjà parlé. Il y a eu chez nous l'espèce d'explosion nucléaire de mai 1968. C'est après cela qu'ont commencé à fleurir les livres alchimiques de Jung, malgré les résistances nées, justement, d'une certaine "hiérarchie". Mai 1968 a été enterré, mais jusqu'à un certain point seulement, car la force qui s'était manifestée là a continué de couver, et très souvent nous voyons , chez des personnes qui viennent nous trouver, comment nous libérons la force apparue en 1968 et réprimée ensuite. Cette conscience totale qui avait voulu se faire jour alors est l'équivalent d'une énergie nucléaire maîtrisée, l'inconscient décrit par Jung étant l'équivalent intérieur du domaine nucléaire dans la matière extérieure.....

Et puis il y a eu les évènements l'Afghanistan, ce qu'on a pu lire dans la presse et les confidences que j'ai recueillies et qui ont provoqué ma stupeur. J'ai constaté alors que nous étions maintenant , en 1980, au coeur du péril nucléaire et que , par suite, on pouvait et l'on devait présenter le remède à la hauteur du péril : une libération à l'intérieur de l'individu, d'une énergie analogue qui peut-être de portée cosmique et qui est propre à désarmer l'angoisse d'où peut sortir l'explosion extérieure. Ici intervient à nouveau le jeu des équivalences et des équilibres entre l'inconscience collective et l'antidote apporté par une famille ethnique, aveugle, angoissée et prête à se précipiter dans sa perte pour en finir avec cette angoisse, par des êtres conscients veillant au sein de la cité. Et rappelez-vous que le nombre ne fait pas grand chose à l'affaire, comme en témoignent les apologues et les histoires rapportés dans toutes les littératures. je vous renvoie simplement au récit donné par la génèse de la discussion entre Abraham et l'Eternel pour tenter de sauver les villes maudites, sodome et Gomorrhe. S'il s'était trouvé seulement dix justes dans Sodome, la ville eût été épargnée. Mais on ne trouva pas les dix justes( Cf. Genèse, ch. XVIII). Ce n'est pas là une croyance, ce n'est pas de la théologie ou de la métaphysique, c'est le fruit d'une expérience millénaire qui fait partie du patrimoine de l'humanité, et que l'enseignement des songes ne cesse de nous confirmer...."

Etienne Perrot
extrait tiré du cahier 13, 1981

mardi 5 février 2008

L'ANTECHRIST



...."On peut dire , pour résumer, que l'antéchrist est l'homme séparé de la source divine et ayant attaché son attention à ce qu'il y a de plus obscur: la matière. Ce faisant, il s'est tourné vers ce que le christianisme refusait: le monde temporel et matériel. Maintenant qu'il est parvenu à l'extrémité de sa course et qu'il a fait jaillir la lumière infernale du coeur de la matière, l'homme moderne peut, par le truchement de ceux qui sont conscients de la portée de l'entreprise et du rôle qu'ils peuvent y jouer, réconcilier la lumière christique et la lumière diabolique pour en faire une lumière totale. Ce n'est pas pour rien que, dans les rêves, le diable vient souvent aujourd'hui comme le messager ou le guide montrant le chemin du salut. Songeons au rôle d'initiateur qui est celui de Méphistophélès dans Faust et relisons les songes rapportés dans psychologie et Alchimie. C'est tout le pôle dont le christianisme s'est écarté et que nous sommes appelés maintenant à contempler, à estimer et à aimer. Freud, dans cette perspective, a été à la fois un " témoin de l'antéchrist" et un instrument important de l'oeuvre de libération en ramenant notre intérêt vers ce que le christianisme voulait nier: le domaine de l'instinct. J'ai vu récemment un rêve dans lequel une figure de singe couronnait une église. Ce sont des rêves fréquents . L'opposé du christ, la bête, l'instinct est mis à la place d'honneur dans un édifice religieux. Il est rendu conscient et reçoit ainsi toute sa valeur sacrée. Il est intégré dans notre dimension totale d'humanité, dans ce qu'on appelle" l'homme divin".....

Etienne Perrot
extrait tiré du cahier 13, 1981